Connaissez-vous la galipotte ?
Cette créature maléfique hante les causses d’Aveyron et de Lozère à la nuit tombée. On dit que c’est une sorcière capable de prendre toutes sortes de formes : au contraire des loups-garous, qui ne peuvent se changer qu’en canidés, la galipotte peut prendre l’apparence de tous les animaux qu’on peut s’attendre à rencontrer sur les hauteurs du Larzac, du Causse Noir ou du Sauveterre. Ainsi peut-elle se déguiser en loup, certes, mais également en chien, en mouton, en lièvre, en mouflon ou même en oiseau ou en chauve-souris.
A la nuit juste tombée (entre chien et loup, donc), elle se promène autour des fermes isolées ou en bordure des villages. Malheur à celui qui croise sa route ! Car elle lui saute sur le dos, pesant de tout son poids sur le pauvre malheureux; sa victime est alors obligée d’avancer, encore et encore, toute la nuit durant, courant comme un fou sur les chemins du causse. On dit de la victime qu’elle court la galipotte et cela peut être fort dangereux. Car nombreux sont ceux qui se sont ainsi perdus et n’ont jamais été retrouvés.
On dit parfois que la galipotte est- elle-même victime d’une malédiction : maudite par un curé de village pour avoir commis un crime aujourd’hui oublié, elle serait condamnée à courir toutes les nuits, jusqu’à pouvoir, dans la même nuit, gratter à la porte de sept églises, dans sept paroisses différentes. Incapable de réaliser cet exploit par elle-même, elle sauterait sur le dos des passants pour qu’ils courent à sa place.

Heureusement, la galipotte disparaît aux premières lueurs du soleil : si on a été assez robuste pour courir ainsi toute la nuit durant et qu’on n’est ni perdu, ni blessé, on peut espérer retrouver le chemin de sa maison.
Dans certaines régions, la galipotte aime perdre les enfants dans les bois. Mais sur le Sauveterre, où j’ai entendu cette histoire, elle s’attaque surtout aux hommes. De préférence ceux qui, en fin de journée, sont descendus au village vider un verre ou deux au café. Un verre ou deux, ou trois ou quatre, peu importe, on ne va quand même pas compter. Après cet innocent intermède, ils ont parfois le plus grand mal à rentrer à la ferme et quand ils arrivent enfin, à l’aube, épuisés et hagards, un plus grand mal encore à convaincre leur épouse que tout cela est de la faute d’une sorcière et que je te jure, chérie, ce n’étaient que quelques verres.