Pour expliquer le nom de la Clamouse, on raconte une bien triste légende : l’histoire d’Estiennou et de sa mère.
C’étaient des temps de grande misère pour les paysans des environs des gorges de l’Hérault, et en particulier pour la famille d’Estiennou. Depuis la disparition de son père, il vivait avec sa pauvre mère et ses frères et soeurs et le quotidien était bien difficile : la famille survivait péniblement grâce à un petit potager sur lequel la mère se cassait le dos et à quelques brebis.
Quand Estiennou eut dix ans, sa mère le plaça comme pâtre dans une ferme des causses, près de La Vacquerie. Estiennou y passa une première année à travailler vaillamment et durement, gagnant péniblement sa croûte et économisant le moindre sou : la semaine, il déjeunait d’un morceau de pain et de fromage, et le dimanche d’une tranche de jambon. Son seul amusement consistait à tailler des branches vertes et les décorer, avant de les jeter dans un aven au fond duquel il entendait rugir des eaux lointaines.
Sa mère, bien entendu, se faisait un sang d’encre, ignorant ce que devenait son aîné.
Quand Estiennou revint auprès de sa mère une fois l’année écoulée pour lui remettre ce qu’il avait économisé de son salaire, il fut surpris de découvrir l’un de ses bâtons sculptés, entre les mains de sa petite soeur. Sa mère lui dit qu’elle avait trouvé le bâton au bord de l’Hérault, près de la source de la Clamouse, et que la petite fille l’avait adopté comme jouet.
Estiennou comprit que l’aven et la source communiquaient; sa mère et lui convinrent donc qu’il lancerait régulièrement de tels bâtons dans l’aven et que sa mère les guetterait en aval : faute de pouvoir s’écrire, le bâton voudrait dire que tout va bien.
L’année suivante se passa comme la première : Estiennou travailla dur et économisa sur sa paie. La mère avait toujours une vie difficile mais au moins elle avait, de temps en temps, des nouvelles de son fils.
Quand Estiennou revint à la fin de la deuxième année, cependant, une chose terrible se produisit : une maladie emporta les quelques brebis qui restaient à sa mère, de sorte que l’argent que le jeune homme portrait suffirait à peine à faire en sorte que sa famille ne meure pas de faim tout de suite.
Estiennou dit à sa mère : “Ne t’inquiète donc pas. Mon maître a tellement de brebis et d’agneaux qu’il ne sait même pas combien il en a. Chaque mois, à la première nuit sans lune, je t’enverrai un agneau par l’aven.” Ainsi fit-il : chaque mois, il envoya un agneau, bel et gras, que sa malheureuse mère récupérait à la source et dont elle put nourrir la famille.
Mais une nuit, alors qu’elle attendait l’apparition de l’agneau, ce n’est pas une bête dont elle vit le corps flotter sur les eaux, mais bien son petit Estiennou : ayant voulu envoyer à sa mère un agneau trop gros et trop fort, il était tombé dans l’aven. La pauvre mère perdit la raison : elle se mit à hurler, à hurler … jusqu’à sa mort, qui ne tarda guère, elle ne parla plus et se contenta de pousser de grandes clameurs douloureuses.
Les gens des environs ne la connurent plus que sous le surnom de Clamousa (la hurleuse) et après sa mort, le nom resta pour désigner la source où elle avait trouvé le corps du petit Estiennou, désormais appelée Grotte de la Clamouse.

Photo de Nareeta Martin sur Unsplash, Martin Souchay — Travail personnel, CC BY-SA 3.0