On a vu des matagots en pays toulousain, mais également en Quercy, en Rouergue et en Lomagne. Ils ressemblent le plus souvent à des chats noirs mais on a également rencontré des matagots prenant la forme d’un renard ou d’une souris.
Le matagot s’installe dans une maison et y reste attaché, quels qu’en soient les occupants. On peut donc hériter du matagot du précédent propriétaire. Tant que l’on donne au matagot bona vida, on est assuré d’avoir de la chance dans ses affaires. Ceux qui s’occupent bien de leur matagot font donc le plus souvent fortune.
Mais obtenir une telle créature est loin d’être facile. Le matagot, en effet, ne se trouve qu’à l’état sauvage, c’est à dire en campagne et de nuit.
Si vous souhaitez en attraper un, il faut vous mettre à l’affut à l’embranchement de quatre chemins, bien caché. A la croisée des chemins, vous aurez attaché une poulet à un piquet. Bien caché, attendez alors la minuit. Vous pouvez passer de longues nuits à attendre sans que rien ne se passe. Mais si vous avez de la chance, un matagot va finir par apparaître. Gourmand, il s’attaque alors à la poule. A vous de vous montrer preste : pendant qu’il mange, vous devez lui sauter dessus aussitôt, l’attraper par la queue, le plonger dans un grand sac sans lui faire mal et mettre ce sac sur votre épaule gauche (surtout pas la droite). Vous pouvez alors revenir chez vous, à condition de ne pas dire un mot tout au long du chemin, et surtout de ne pas vous retourner, quoi que vous puissiez entendre derrière vous.
Une fois chez vous, mettez le matagot dans un coffre. Et surtout ne le regardez pas. Tous les matins, glissez-lui un plat de lait, de pain et de viande (la meilleure que vous pourrez trouver) et attendez quelque temps qu’il soit parfaitement apprivoisé. Vous saurez que le temps est venu quand vous verrez un louis d’or, posé devant le coffre. Vous pourrez alors ouvrir et discuter avec votre matagot, qui vous répondra sans problème (il parle aussi bien l’oc que la langue d’oïl, et sans doute bien d’autres).
Tous les matins, le matagot vous portera un nouveau louis d’or. Ne lui demandez pas d’où il vient. Le fait est qu’à ce rythme, vous risquez de faire rapidement fortune. Cela a un prix, toutefois : le matagot exigera la première bouchée de tout ce que les habitants de la maison mangeront.
Il arrive que le matagot choisisse un siège ou une canapé de la maison et en fasse sa matagotière : quiconque s’y assied y reste bloqué, incapable d’en bouger, tant que le propriétaire de la maison n’a pas ordonné au matagot de relâcher sa proie.
Au fil du temps, il n’est pas rare que le propriétaire du matagot se brouille avec sa famille, ses amis … l’or acquis par la sorcellerie le rend soupçonneux (et soupçonné), solitaire et distant. On pourrait presque dire que tout cet argent ne fait pas son bonheur…
Mais il y a un autre prix à la présence d’un matagot et on ne s’en acquitte qu’à sa mort : quiconque, en poussant son dernier souffle, est encore propriétaire d’un matagot est assuré d’être emporté en Enfer. Pour éviter ce funeste destin, il n’y a qu’une solution : trouver quelqu’un qui accepte d’adopter le matagot avant que vous ne passiez de vie à trépas. Mais attention : ce quelqu’un doit être parfaitement informé de tout ce que la propriété du matagot implique, sans quoi la cession n’est pas valable. Faute de trouver un repreneur, l’ancien propriétaire décède donc, et laisse sa maison vide, hanté par le matagot … qui attend le prochain occupant.
Dans une autre version de la légende, le chat empêche son maître de mourir, le condamnant à une agonie infinie à moins qu’il ne parvienne à le céder à un autre. Le matagot passe donc de maître en maître, jusqu’à arriver au neuvième, qui, lui, partira quoi qu’il arrive en Enfer avec le matou.
Photo de Hannah Troupe sur Unsplash