« Dins los caminòls, qual las a fregadas
Las Mitonas ? N’i a, pr’aquò, sèt o uèit
Que, quand pel solelh le campèstre es quiet,
Dins de caunas son totjorn amagadas.
Defòra se’n van, subrabelugadas
Tre que lo boièr raiva dins son lèit
Van al gorg vesin mai fresc que la nuèit
Amb un bacèl d’aur lavar las bugadas. »
Prospèr Estieu.
Dans les sentes, qui les a frôlées les fées-mitounes ? Il y en a pourtant sept ou huit qui se cachent dans des grottes quand il fait soleil. Quand le laboureur est couché, elles vont au gouffre voisin faire la lessive avec un battoir d’or. – Prospèr Estieu.
Répartition géographique des mitounes
On trouve des mitounes (parfois appelées mitounettes) un peu partout dans les Corbières mais on en a observé jusque dans l’Hérault, sur les bords de l’Orb. De fait, c’est près des rivières qu’on peut les observer car les mitounes sont des fées lavandières.
Les mitounes et leurs activités
Le promeneur discret et chanceux peut parfois les entendre, à la tombée de la nuit, babiller et chanter; à l’oreille, il reconnaîtra aussi les coups répétés de leurs battoirs sur leur linge. S’il fait le moindre bruit, il risque d’effrayer les mitounes, qui disparaissent aussitôt.
Mais s’il demeure silencieux, il peut espérer les apercevoir : une bande de jolies petites bonnes femmes, jupes retroussées aux genoux et bras nus, penchées sur la rivière et occupées à laver un linge immaculé.

Durant la journée, les mitounes, qui n’aiment guère le soleil, préfèrent l’abri des grottes et les rivières souterraines ; ainsi, il y a à Rouvenac, près de Quillan, une grotte aux mitounes. Mais elles n’y viennent plus guère, depuis qu’elles y ont perdu un battoir : l’ayant oublié une nuit, celui-ci fut trouvé par un garçon du pays, qui s’empressa de le ramener au village. Il faut dire que le battoir était d’or massif ! Il le vendit à l’orfèvre, qui en fit de beaux bijoux. Mais depuis, les mitounes ne viennent plus dans leur grotte que les nuits sans lune : alors, si le vent souffle, on peut entendre leurs soupirs et leurs gémissements au fond de la grotte.
A Lanet, sur les bords de l’Orbieu, un jeune homme sans le sou surprit un jour les mitounes au bord de la rivière. Ce jeune homme désespérait de trouver un cadeau pour sa bonne amie Appolonie, dont il avait, dit-on, un grand languiment. Il parvint à se glisser jusqu’au tas de linge des fées et à leur en voler une grande brassée. Mais à peine s’en était-il emparé que les mitounes, furieuses, se mirent à le poursuivre en brandissant leurs battoirs. Le jeune homme dut abandonner la plupart de son butin pour semer ses poursuivantes mais parvint tout de même à s’accrocher à deux paires de bas blancs, qu’il tenait encore contre lui quand il parvint à la grande croix de fer qui ornait l’entrée du village. Les fées, c’est bien connu, n’aiment ni les croix, ni le fer, et les mitounes durent alors abandonner la poursuite.
Mais le bien mal acquis ne profita pas : quand Appolonie voulut mettre les bas blancs, ceux-ci se déchirèrent; le tissu magique était bien trop fin et trop fragile pour glisser sans s’abimer sur une rugueuse peau humaine. Appolonie était une fille de paysans, qui passait ses journées aux champs : aussi se dit-elle qu’elle avait sans doute la peau trop rude et trop rèche, et offrit-elle la seconde paire de bas à l’épouse du seigneur. Mais même elle ne put les mettre.
Plus généralement, les mitounes sont liées aux autres travaux traditionnels des femmes, et notamment le filage et le tissage : dans les Corbières, on dit qu’elles glissent parfois leur tête par la chatière de la maison pour ennuyer les fileuses et se moquer d’elles.

Les mitounes et leurs cousines
Les mitounes ont des cousines dans d’autres lieux d’Occitanie : ainsi, dans l’Hérault, les demoiselles de la Grotte des Demoiselles leur sont apparentées. En Aveyron, près de Belcastel, des mitounettes peuvent être aperçues certaines nuits au clot de las domaiselas (le vallon des demoiselles), dansant et chantant, au risque de troubler et de perdre les voyageurs égarés.
Enfin à Moujan (autrefois un hameau, qui fait aujourd’hui partie de la commune de Narbonne), la fontaine de la Bistande garde le souvenir d’une fée du même genre : alors qu’elle lavait son linge, un jeune homme appelé Bistan parvint à la capturer et à lui attacher les mains et n’accepta de la délivrer que lorsqu’elle lui promit de le rendre riche. C’est pour cela qu’en pays narbonnais, on dit de celui qui a de la chance dans ses affaires : Aquel a encadenat la Bistanda.
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